giovedì 21 febbraio 2013

Alessandro Fontana, philosophe et pivot des études foucaldiennes


Alessandro Fontana en 2001

Le Monde.fr | 


Alessandro Fontana naît le 25 mars 1939 dans une famille de la bourgeoisie cultivée de la Vénétie. Orphelin de mère à l'âge de quatre ans, il est élevé d'abord par des tantes puis par son père, proviseur de lycée à Sacile, une petite ville de la campagne vénète. Après des études de lettres et philosophie à l'Université de Padoue où il soutient un mémoire de fin d'études sur la notion de mythe, il part pour la France comme assistant de langue italienne à Montpellier, puis rejoint rapidement Paris au milieu des années 1960, là où se situe pour lui l'espace intellectuel le plus stimulant.

Il devient rapidement lecteur à la section d'italien de l'Ecole Normale supérieure de Saint-Cloud, puis maître de conférences et professeur à l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud (suivant enfin l'Ecole à Lyon à partir de 2001). Des années 1960 jusqu'aux années 2000, il va dispenser ses cours à des générations de normaliens et d'auditeurs : cette tâche sera la sienne jusqu'à sa retraite en 2007, et il la poursuivra ensuite en tant que professeur invité à la Faculté de droit de l'Université de Trente.
FIGURE SINGULIÈRE
C'est dans ce cadre que se construisit peu à peu la figure singulière d'un philosophe adepte de Foucault et de Deleuze, passionné par la généalogie de la psychanalyse, mettant ce savoir spécifique au service d'une étude approfondie de l'histoire de la littérature et de la culture italienne, avec une prédilection pour certains des " classiques " dont il entreprend à chaque fois une relecture radicale et toujours " critique " (Laurent de Médicis, Machiavel, Guicciardini, Castiglione, Verri, Beccaria, Goldoni, Alfieri, Foscolo, Manzoni), dans des allers et retours constants entre les " grands " auteurs de sa culture d'origine et les débatsphilosophiques les plus actuels de sa culture d'adoption. A cet égard, le travail polymorphe qu'il conduisit sur l'histoire politique et littéraire de Venise, comme " civilisation des masques " et comme " cité retrouvée ", est sans doute l'espace textuel de croisement symbolique des deux âmes de ses recherches et de ses goûts.
A Paris, il fréquente d'abord le séminaire de François Furet à la VIe section de l'Ecole pratique des hautes études (il est à ce titre l'un des co-auteurs de Livres et société dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1965) et collabore avec les historiens liés à l'école des Annales, notamment avec Ruggero Romano qui, de la fin des années 1960 au début des années 1980, l'associe à plusieurs desentreprises collectives de la prestigieuse maison d'édition turinoise Einaudi, de laStoria d'Italia à l'Enciclopedia (les articles qu'Alessandro Fontana rédigea à cette occasion furent rassemblés en 1990 sous le titre Police de l'âme : voix pour une généalogie de la psychanalyse).
UN TOURNANT DANS SA VIE
Au début des années 1970, la rencontre avec Michel Foucault est un tournant dans sa vie. Il quitte le séminaire de Furet pour celui de Foucault et devient vite l'un des " passeurs " de la pensée foucaldienne en Italie : il participe à Moi, Pierre Rivière et traduit La Naissance de la clinique et L'ordre du discours pour Einaudi. Il sera aussi notamment à l'origine d'un recueil d'articles et d'interventions de Foucault paru chez Einaudi en 1977 sous le titre Microphysique du pouvoir, un petit ouvrage qui connut un succès de librairie impressionnant : vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, il devint un des livres de référence pour les acteurs des mouvements sociaux italiens de la fin des années 1970.
Après la mort du philosophe, il fut à l'origine de la publication des cours de Michel Foucault au collège de France. C'est en effet lui qui convainc, au milieu des années 1990, les légataires et la famille du philosophe, qui avait stipulé qu'elle ne voulait pas voir de textes inédits publiés posthumes, de ne pas considérer ces cours comme des inédits. A partir de 1997, il codirige, avec François Ewald, la publication de l'ensemble des cours de Michel Foucault au Collège de France, en commençant par le cours de 1976 Il faut défendre la société, jusqu'au tout récentDu gouvernement des vivants, sorti à l'automne dernier (Seuil-Gallimard, collection EHESS).
SON GRAND ŒUVRE
Parallèlement à ce travail foucaldien, Alessandro Fontana a participé activement à la création, à l'ENS de Saint-Cloud-Fontenay, du Centre de recherches sur la pensée politique italienne (CERPPI) au début des années 1990 ; un centre de recherches au sein duquel il a mené à bien et coordonné des traductions commentées (notamment Les discours sur la première décade de Tite Live de Machiavel, paru chez Gallimard en 2004) et des publications collectives (Venise 1297-1797. La république des Castors, ENS Editions, 1997 ; Venise et la révolution française. 470 dépêches des ambassadeurs vénitiens au doge 1786-1795Bouquins Laffont, 1998 ; Histoire de la République de Venise, de Pierre Daru, Bouquins Laffont, 2004).
La mort l'a frappé brutalement à Paris, dimanche 17 février 2013, alors que touche à sa fin le travail imposant de publication des cours de Foucault, son grand œuvre, un travail qu'il a suivi pas à pas, volume après volume, relisant chaque page et chaque note, en entretenant de longues discussions avec les responsables de chacun des volumes. L'enseignement d'Alessandro Fontana a été essentiel pour des générations de jeunes normaliens, et ses initiatives ont eu une importance majeure dans le domaine des études foucaldiennes. Mais, au-delà, il laissera à ceux qui l'ont croisé un jour ou l'autre, à la vieille Bibliothèque nationale de Paris ou sur la place du Dôme de Trente, le souvenir d'un fin lettré et d'un subtil commentateur, d'un homme de conversations socratiques, toujours prêt à donnercette chose qui ne s'apprend pas, et qui est pourtant peut-être parmi les seules qui vaillent : le désir de comprendre, l'envie de savoir, de connaître, de penser, l'envie de se construire " aussi.

from: www.lemonde.fr

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