domenica 25 dicembre 2011

AIDES: a French community-based organisation dedicated to fighting HIV/AIDS,



Nous avons sans cesse à remettre en question notre fonction de contre-pouvoir


01/06/2011



Il y a 30 ans, les premiers cas de sida étaient signalés aux Etats-Unis. 30 ans, c'est long. Un anniversaire bien triste d'une maladie qui a emporté nombre de personnes chères. Parmi celles-ci, le philosophe Michel Foucault. Il y a un an, Daniel Defert était intervenu lors d'une convention de AIDES sur la maladie de son ami et évoquait comment  les idées élaborées par le philosophe avaient profondément imprégné l'association, que ce soit par exemple la question des contre-pouvoirs ou le refus de l'injonction à l'aveu. Extraits.


(...) “On m’avait dit autrefois, quand je faisais de l’anthropologie, que dans les sociétés africaines, c’était le rôle des anciens de parler de la mémoire du groupe. Comme les anciens en France deviennent très vieux et perdent la mémoire, on profite du fait que je sois entre les deux pour m’extraire un peu de mémoire.” (...) On m’a demandé d’évoquer ce qui rattache AIDES à Michel Foucault. J’ai dit oui. Le 25 juin, c’est l’anniversaire de la mort de Michel Foucault. Dans les premières années de l’épidémie, les conférences internationales sur le sida se tenaient à cette date-là et je me rappelle lorsque la deuxième conférence s’est tenue à Paris en 1986, j’ai eu à prendre la parole en tant que Président de AIDES à 13h15 au Palais des Congrès, qui était l’heure de la mort de Michel Foucault deux ans auparavant. Et plusieurs années après, le 25 juin, il y a eu comme ça des événements dans l’histoire de AIDES, qui m’obligeaient à me resituer dans cette perspective. (...)

Je ne veux pas faire une commémoration - bien que la commémoration fasse partie hélas de l’histoire de AIDES - mais je voudrais partir d’une chose que j’ai trouvée dans un article de Philippe Mangeot (1). Vous connaissez tous Philippe Mangeot qui est un des fondateurs d’Act Up-Paris, quelqu'un que j’aime beaucoup et qui a écrit cet article dans un très beau numéro de la revue qu’il dirige avec Matthieu Pott-Bonneville Vacarme, une excellente revue. Pour le vingtième anniversaire de la mort de Foucault, ils avaient fait un numéro spécial. Mangeot avait écrit un très bel article rappelant la place de Foucault dans l’histoire de la lutte contre le sida, parce que d’une part il pense que trois associations françaises, c'est-à-dire AIDES, Arcat d’une certaine façon et Act Up-Paris - et surtout Act Up New York - se réclament de Foucault, et finalement, cela resituait.


 Mangeot, d’autre part, avait une très belle phrase que j’ai recopiée, tellement elle était précise : “Ce serait un roman, on trouverait la coïncidence forcée. Foucault est à la fois la première personnalité en France qui meurt du sida et celui dont l’œuvre constitue la référence la plus précieuse pour appréhender la maladie pour la penser et pour y résister”. Et c’est tout à fait exact. Je ne vais pas développer la pensée de Foucault, certains la connaissent. Moi-même, je ne suis pas forcément celui qui la connaît le mieux, mais je la vis d’une certaine façon. Je voudrais simplement évoquer trois points. Effectivement, la naissance de AIDES a à voir avec la mort de Foucault, avec le fait de sa mort et avec les circonstances de sa mort, qui m’ont plongé dans une situation éthique qui a fait partie aussi de notre histoire. Ensuite, je voudrais quand même évoquer comment la pensée de Foucault, son travail, font partie d’une certaine façon de l’horizon intellectuel de AIDES. Enfin le mode d’engagement politique de Foucault, son mode d’être politique a fait partie aussi de l’histoire de AIDES - histoire que certains connaissent, certains ne connaissent pas - et c’est toujours utile de raviver un peu ce qui est fondateur dans une histoire.

D’abord le fait de la mort de Foucault bien sûr. Cela fait vingt-six ans aujourd'hui et j’ai vécu vingt-quatre ans avec lui, donc cela fait maintenant presque un peu plus de temps que je vis sans lui mais dans son horizon. Et puis les circonstances de sa mort : je voudrais quand même y insister parce que ça a été à l’origine d’un enjeu, d’un débat et de certaines ambiguïtés qui ont fait partie du contexte de la naissance de AIDES. Il a été hospitalisé trois semaines à la fin du mois de mai 1984. Il meurt à la Salpêtrière au bout de ces trois semaines, sans que ni lui ni moi n’ayons reçu de diagnostic. Il n’a rien demandé, il ne se faisait pas d’illusion, nous en avions souvent parlé depuis Noël 83. À l’époque, nous ne savions vraiment rien. Et en dehors d’images très, très choquantes de Kaposi, nous n’avions pas une idée de ce qu’était un malade du sida, et les tests étaient encore absolument artisanaux et inconnus.
J’ai fait mon premier test en septembre 84, j’ai eu le résultat fin novembre 84. Il avait eu un traitement de Bactrim en janvier 84 parce qu’en fait il avait visiblement une pneumocystose. Le traitement de Bactrim avait été tellement efficace qu’on s’est dit, bon ce n’est pas le sida puisque le sida ne se guérit pas. Il avait pu faire son cours au Collège de France, le cours qui a été publié cette année “Le courage de la vérité”. Imaginez quand même un livre de quatre cents pages d’une grande érudition sur la pensée grecque qu’il a fait en ne pouvant pratiquement plus s’alimenter, en train de mourir.
Jusqu’à sa mort, il n’a pas eu de diagnostic. Ses premiers médecins, à Tarnier, officiellement, ne lui en ont jamais donné, préférant lui assurer un temps de travail qu’il souhaitait. Cependant, j’ai appris longtemps après - il m’a fallu la longue fréquentation des journalistes - que le chef de service de la Salpêtrière avait quasiment organisé des conférences de presse pour les tenir informés de l’évolution de la maladie de Foucault. Nous étions les deux seuls à ne rien savoir. Naturellement, cela a été fait dans la confidentialité. Après sa mort, je dois me rendre au service d’état civil et la personne responsable de l’état civil à l’hôpital me dit “ah il était temps que vous arriviez, depuis huit jours, tous les journalistes me demandent si c’est le sida”. Vous savez qu’il y a quand même une règle de déontologie médicale en France qui n’est pas la même aux États-Unis. Aux États-Unis, vous savez qu’il existe des pratiques d’embaumement, et on a rendu très vite publique la cause de la maladie des gens pour justement qu’il n’y ait pas de contamination dans les procédures d’embaumement. C’est pour cela qu’il y a eu un célèbre pianiste de music-hall, Liberace, qui a été déterré pour, après coup, refaire une recherche de séropositivité, parce que le personnel qui l’avait embaumé se sentait menacé. Aux États-Unis, il n’y avait donc pas de secret médical. En France, c’est en principe très protégé. Il y a donc eu secret médical, même si avec sa famille et son médecin nous avons fait un communiqué disons allusif. Et il y a eu immédiatement une polémique “Foucault, mort honteusement du sida ?”, c’était écrit dans le journal de mon camarade qui est là-bas (2), mais ce n’est pas lui qui l’a écrit dans Libération. Immédiate rumeur internationale : “Est-il mort du sida, n’est-il pas mort du sida ?”.
 Ce contexte de naissance de l’association montre, à ce moment-là, cette situation majeure : le silence et la honte ou l’injonction d’aveu. Je trouve que l’injonction d’aveu est quelque chose d’absolument détestable. L’injonction d’aveu est de l’ordre de la police. C’est exigé dans le catholicisme, mais au moins dans le secret du confessionnal, ou par la police et au tribunal. En général, qu’est-ce que c’est qu’avouer ? C’est se fourrer dans le fantasme de l’autre. En général, on vous demande “Vous avez le sida ? Vous êtes homosexuel ?” Sous entendu “vous vous faites enculer ou vous enculez ?” C'est-à-dire d’emblée, on vous situe dans l’imaginaire de l’autre et la question est absolument réductrice. La parole qui doit être prononcée, c’est une parole politique, mais pas une parole d’aveu. Une parole politique, c’est une parole publique, une parole collective, une parole réfléchie, une parole stratégique, ce que fait AIDES. Nous n’avons donc jamais tenu à encourager l’aveu au sein de AIDES. On a toujours été extrêmement précis sur des questions d’éthique médicale et que lorsqu’il y avait une parole, elle était le plus possible parole collective, réfléchie pour des enjeux tactiques de lutte contre le sida ou des enjeux stratégiques, mais pas des enjeux de confession. Donc, voilà des éléments d’histoire qui sont aussi partis d’une éthique et d’une politique.

La question de l’éthique s’est donc posée d’emblée comme le lieu de naissance de AIDES.
Les travaux de Foucault, vous les connaissez un peu, son premier travail, sa première grande œuvre, c’est “L’histoire de la folie”(3). L’histoire de la folie, c’était l’histoire de comment s’était constitué cet enfermement et cette exclusion, cette gestion d’une population diverse de gens marginalisés qui a donné naissance à la psychiatrie. Justement, dans cette histoire-là, Foucault s’était rendu compte qu’il n’y avait pas d’archives de la parole des fous. La première grande œuvre de Foucault, “L’histoire de la folie”, c’est l’absence de la parole des fous, il n’y a que la parole de ceux qui enferment, la parole des médecins, la parole des policiers, la parole des curés, la parole de tous ceux qui ont eu un rôle de répression de la folie, mais pas de parole de fous. Le premier finalement qui a parlé, des dedans de l’enfermement, c’est Sade, et on peut se demander s’il s’agit de folie. Apparemment pas.
 La question qui s’est posée d’emblée à Foucault, c’est justement comment donner la parole (...) à ceux qui sont exclus de parole et dont la parole est barrée. Nous avons créé ensemble ( le GIP) avec Foucault - avant même qu’il ait écrit “Surveiller et punir”, mais ça en a été l’origine -. J’étais à ce moment-là dans le mouvement maoïste, la gauche prolétarienne, et beaucoup de mes camarades étaient en prison, nous avons créé le Groupe d’information sur les prisons (GIP). Au départ, mes camarades de la gauche prolétarienne voulaient une commission d’enquête sur les prisons. Nous savions très bien que nous ne pouvions pas entrer dans les prisons. Par contre, nous pouvions obtenir par des méthodes de pénétration clandestine, de recueillir la parole des gens en prison. Nous avons donc - cela a été l’objectif de ce groupe - collecté une parole interdite, une parole qui n’avait pas de légitimité. De plus, les gens qui sont en prison subissent une opprobre morale qui les délégitime. Nous avons donc créé un mouvement de prise de parole, politiquement, de gens qui étaient exclus de la parole.

Cette expérience que nous avions menée ensemble, c’est ce modèle qui s’est imposé à moi d’emblée et aux premiers volontaires de AIDES pour continuer, sous la forme de ce qui était aussi un deuil, une action politique : à la fois continuer une parole et légitimer la parole interdite. C'est-à-dire que le savoir qui est porté par cette parole doit être transgressif. Un savoir qui n’est pas transgressif est un savoir qui répond à l’attente de l’autre, qui répond à l’attente répressive, et justement, quand on est amené à parler d’homosexualité, de prostitution, de toxicomanie, de transsexualité, nous sommes amenés à tenir des discours transgressifs et à faire entrer dans le champ du savoir, de l’expérience collective des choses transgressives. On n’a pas forcément à affirmer une identité, mais à affirmer une expérience, un savoir, une parole transgressive. Ce que Foucault nous a légué, c’est effectivement la prise de parole des gens exclus de la parole et de leur donner la forme d’un savoir transgressif qui doit fonctionner comme contre-pouvoir. Nous sommes dans cette tradition-là de constituer un savoir transgressif qui est un contre-pouvoir.

Un autre élément important du travail de Foucault qui apparaît à partir de 1974-1975, et notamment dans son livre - le premier volume de son histoire de la sexualité - “La volonté de savoir” (4), c’est l’analyse d’une transformation importante du pouvoir, à partir du 18e siècle, de la gouvernance politique dans l’histoire de l’Europe en particulier : pendant des siècles, le pouvoir a eu la forme d’un prélèvement d’impôts et prélèvement de gens pour faire la guerre. Le pouvoir avait un droit de vie et de mort sur les gens. D’une certaine manière, le pouvoir était redoutable et les gens se cachaient le plus possible du pouvoir.

À partir du 18e siècle, il y a eu une transformation importante du fonctionnement du pouvoir dans nos sociétés. Ce pouvoir, pour des raisons d’ailleurs de transformation économique, devient producteur de vie, producteur de démographie, producteur de santé, producteur d’allongement de l’espérance de vie et de la quantité de population pour travailler et faire la guerre, les grandes guerres commencent à l’époque de Napoléon. Le pouvoir change de nature et devient ce que Foucault appelle “biopouvoir”. Nous sommes dans ce biopouvoir, c'est-à-dire que le pouvoir politique n’est plus ce pouvoir seulement répressif qui prélève, c’est un pouvoir désirable parce qu’il nous allonge la vie, il nous garantit la vie et qu’est-ce qu’on fait depuis ce matin ici ? On demande au pouvoir politique mondial de nous protéger, de nous garantir, de nous allonger la vie.

Nous sommes donc dans ce nouveau régime de pouvoir, mais il faut aussi savoir s’en protéger, parce que c’est un pouvoir retors, un pouvoir désirable. Cependant, en même temps, vous le voyez bien, la fonction transgressive que nous devons maintenir et assurer, ce n’est pas si facile de demander aux pouvoirs politiques d’assurer la vie des prostituées, des homosexuels, des transsexuels et des toxicomanes. Nous en avons tous l’expérience. Finalement, le biopouvoir est aussi un pouvoir normatif limitatif, contraignant et nous n’y avons jamais d’acquis. Nous avons sans cesse à remettre en question notre fonction de contre-pouvoir. Cela aussi, c’est un important message et un acquis de la pensée de Foucault.

Un autre acquis très important (...), c’est l’histoire de la sexualité telle que Foucault l’a pensée. La notion d’homosexualité telle que nous la connaissons, vous savez que c’est une notion très récente. Elle est parfaitement datée, on sait même l’homme qui l’a employée le premier - ça doit être autour de 1868 avecKertbeny, journaliste et militant des droits de l'homme hongrois. C’est une catégorie récente de la pensée, c'est-à-dire que pendant des siècles, on n’a pas catégorisé ainsi des individus mais des actes. L’humanité était divisée à partir du sexe que l’on a, c’est-à-dire le genre, mais pas à partir du sexe que l’on désire. Penser la sexualité à partir de l’objet du désir, c’est quelque chose qui se construit au 19è siècle et on a commencé à catégoriser les individus à partir de ce qu’ils désirent. On est urophile, scatophile, pédophile, homophile, enfin bon, des tas de possibilités, des tas de variétés comme les espèces naturelles et, d’une certaine façon, s’est construite cette catégorie d’homosexualité, alors qu’avant on était simplement sodomite. C'est-à-dire que l’on utilisait le vase interdit qui pouvait être le vase de l’homme ou de la femme. Donc, on est passé d’un registre de péché qui portait sur l’acte à une pathologisation d’individus et à une définition médicolégale. Foucault, dans son histoire de la sexualité, a beaucoup réélaboré toutes ces notions et vous savez d’ailleurs qu’une partie des Américains fondateurs d’Act Up New York se retrouve dans un mouvement qui s’appelle le mouvement “Queer” : on ne définit pas les gens par une catégorie sexuelle, mais pas une catégorie de transgression. On est queer, on est bizarre. Mais ce n’est pas une identité : c’est un choix de différence.
 Donc, Foucault a eu une analyse de la sexualité qui, dans les années 1970, prenait à contre-courant les mouvements de libération homosexuels qui partaient de l’hypothèse qu’il y avait une identité universelle du désir de son propre sexe, et que cette identité psychologique pouvait légitimement être reconnue comme identité sociale et politique, alors qu’elle était réprimée dans un certain nombre de sociétés, et qu’il fallait la libérer. Or Foucault dit “nous construisons notre sexualité. Nous pouvons inventer l’homosexualité, on ne la libère pas, on l’invente”. Et quand on l’invente, cela veut dire qu’on construit ce que l’on en veut faire5. Si on veut se marier, si on veut adopter des enfants, on invente, mais on ne la libère pas, on la crée.
 Je suis tout à fait embarrassé effectivement dans l’histoire actuelle à laquelle vous êtes confrontés puisque l’histoire du sida est indissociable de l’histoire de la mondialisation. On l’a vu, (...) c’est indissociable. Et dans les éléments de mondialisation dans laquelle nous sommes, il y a aussi l’universalisation du modèle homosexuel occidental, et ce n’est pas si simple. Il y a eu dans toutes les sociétés une érotique, c'est-à-dire un désir homosexuel codifié de façon extrêmement variée : dans la société grecque, c’était les jeunes gens avant qu’ils n’aient de la barbe ; tous les hommes les avaient désirés. Et sans doute tous avaient eu des relations sexuelles que nous disons “homosexuelles”. Les femmes un peu moins, ou plutôt un peu moins répertoriées. Pour les hommes, cela faisait partie de leur éducation et le problème était que le jeune homme ne devait pas être passif, puisque l’homme devait être un sujet politique libre. Il ne fallait pas qu’il se mette dans la position de l’esclave ou de la femme qui n’étaient pas libres. Donc, l’homosexualité - ce que nous appelons homosexualité - était possible, mais avec un code extrêmement limitatif, entre les cuisses et pas entre les fesses, enfin il y avait tout un ensemble de choses qui étaient admises et d’autres disqualifiées - on assistait à une véritable sexualité, c’est-à-dire à un code sexuel différent de ce que nous appelons nous homosexualité.

Au Japon, les grands acteurs de kabuki étaient désirés par les hommes et par les femmes et on ne leur demandait pas une identité sexuelle. Je me rappelle avoir été au Japon avec Foucault le jour où le plus grand acteur de kabuki a déclaré qu’il était homosexuel et Foucault s’est écrié “Quel con !” Parce qu’effectivement, il était en train de faire basculer une problématique érotique japonaise immémoriale dans une problématique californienne récente.

Voilà, je dois vous dire que la pensée de Foucault, vous voyez, c’est une pensée philosophique, politique qui a introduit dans le champ de la pensée des objets nouveaux. La philosophie réfléchissait la vérité, la raison, l’être, la morale. Lui, il a donné à penser à la philosophie la prison, la folie, la sexualité, l’homosexualité, la répression, la délinquance. Il a donné des objets nouveaux à penser mais avec la force de pensée qu’il y avait traditionnellement dans ce qu’on appelle la philosophie. Et je pense que, d’une certaine manière, cette histoire de la pensée foucaldienne qui est universellement reconnue (vous savez qu’il est traduit dans le monde entier, et j’ai fait une conférence à Madras sur Foucault devant une salle plus pleine que celle-ci où les gens connaissaient remarquablement bien tous les textes, certains traduits en tamoul, et j’ai encore reçu hier de Hong-Kong une demande d’une chronologie que j’ai faite sur Foucault). Cette pensée qui a une audience internationale a fait partie de notre histoire à nous AIDES et elle a fait partie je crois des butées, des interrogations qui nous ont sans arrêt sollicités, relancés dans l’histoire de AIDES.

Donc effectivement, dans mon rôle de “vieux, porteur de mémoire”, je ne suis pas mécontent de l’opportunité que Bruno Spire m’a donnée de vous parler un peu. Dans ce 25 juin de Foucault, en plus ayant eu le bonheur de vivre avec lui et de l’aimer, je suis bien content de lui rendre cet hommage de bonheur et pas seulement de deuil. Je dois dire que j’ai rencontré Foucault la première semaine où je suis arrivé à Paris en 1960. Il arrivait également à Paris ; il venait de vivre à l’étranger plusieurs années et il se trouve que j’ai été présenté à lui par un de mes anciens professeurs de la faculté de Lyon qui était Robert Mauzi, un de ses meilleurs amis, et Roland Barthes. Je fais donc la connaissance de Foucault, entre Roland Barthes et Robert Mauzi, et d’emblée j’ai eu devant moi quelqu’un non seulement dont l’intelligence était foudroyante mais qui créait des relations différentes de ce que les autres créaient. Récemment, lors d’un hommage à Jean Le Bitoux qui a fondé Gai Pied avec l’appui de Foucault, j’ai eu à évoquer le fait que finalement avec la génération de Roland Barthes c’était encore l’homosexualité comme on la lit dans Proust où les différences d’âge, les différences de classe sociale, tout cela était structurant. Avec Foucault, d’emblée, on inventait une autre relation. C’était la modernité et j’avoue qu’il m’a fait entrer un peu avant d’autres dans cette modernité et cette modernité elle est tragique puisque le sida en fait partie, mais nous l’avons pensée avec son outillage intellectuel.”

 
1/ Mangeot Philippe, “Sida : angles d'attaque. Trois associations, trois lectures de Foucault”, Vacarme n°29, automne 2004, pp74-81,http://www.vacarme.org/article456.html
    Vacarme n°29, Michel Foucault, 1984-2004, Automne 2004,
http://www.vacarme.org/rubrique105.html

2/ Eric Favereau, Libération
3/ Foucault Michel,Histoire de la folie à l'âge classique. Folie et déraison, Gallimard, coll. “Tel”, Paris, 1972

4/ Foucault Michel, Histoire de la sexualité, vol. 1 : La volonté de savoir, Gallimard, Paris, 1976

5/ Foucault Michel, "Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et la politique de l'identité", pp1554-65, in Dits et écrits, vol. 2 : 1976-1988, Gallimard, coll. “Quarto”, Paris, 2001

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