mercoledì 29 febbraio 2012

Jean Allouch - Il volto nel Figlio di Dio


Jean Allouch / Sul concetto di volto nel Figlio de Dio  
Sul concetto di volto nel Figlio di Dio 
Paris, octobre novembre 2011 

L’artiste spécialement invité l’été 2011 au festival d’Avignon était le metteur en 
scène et plasticien Romeo Castellucci, un Italien dont un des deux spectacles présentés 
s’intitule Sul concetto di volto nel Figlio di Dio (« Sur le concept du visage du Fils de 
Dieu »). Fin octobre, le spectacle fut repris à Paris par le Théâtre de la Ville, où j’ai pu y 
assister. Si, en Avignon, certains crièrent à l’escroquerie, d’autres au sublime, si 
d’autres se battirent à la sortie, si d’autres encore hésitèrent entre l’atroce et le 
merveilleux, ou les deux, à Paris on a parlé d’« événements graves ». Je les qualifierai 
plutôt de réjouissants, car depuis Genet et ses Paravents, je n’étais plus jamais entré 
dans un théâtre en devant franchir un cordon de CRS. Ce n’est certes pas cela qui est 
réjouissant, mais le fait qu’à la différence de ce qui s’est passé partout ailleurs où la 
pièce fut présentée, à Paris, les réactions ont pris une dimension politique, culturelle 
et... cultuelle. Une demande d’interdiction du spectacle a été déboutée par le Tribunal 
de grande instance, des manifestants sont montés sur scène, y déployant un panneau où 
l’on lisait LA CHRISTIANOPHOBIE1, ÇA SUFFIT, avant que la police ne les en déloge. On a 
voulu empêcher les spectateurs d’entrer en les agressant, en les aspergeant d’huile de 
vidange, en jetant sur eux des œufs et des boules puantes – sans doute sans prendre 
garde que ce dernier geste était parfaitement conforme à ce qui allait se passer dans la 
salle, et sans se souvenir que déjà au Moyen-Âge les prêtres partaient en guerre contre 
les peintures du Christ. On a, bien sûr, pétitionné là contre, dénoncé le « fanatisme », les 
« ennemis des Lumières et de la liberté ». Comme avec Théorème de Pasolini, l’Église 
fut divisée en « pour » et « contre ». Et comme avec Théorème, il s’agit, au dire même 
de Castellucci, d’une « parabole » qui donc laisse à chacun des spectateurs le soin d’en 
                                                
 « Christianophobie », qui va avec « islamophobie », ne fut pas un terme inventé pour l’occasion, il 
résonne aussi dans l’entourage du pape (voir « Les croyants en lutte contre le “rejet” des religions », Le 
Monde du 4 novembre 2011). Les mêmes qui dénoncent l’atteinte à la liberté d’expression forceraient-ils 
l’entrée d’une mosquée chaussures aux pieds ? On mesure par là qu’il y a maldonne, car le combat entre 
ceux qui ne veulent pas que l’on porte atteinte au sacré (le séparé, ce que l’on ne peut toucher sans le 
souiller) et ceux qui veulent qu’aucune thématique ne soit exclue d’un traitement par l’art, et pour qui 
donc rien ne serait sacré, cet affrontement ne concerne ni Pasolini ni Castellucci, lesquels 1) ne doutent 
pas qu’il y a bien du séparé, du sacré et 2) y touchent. C’est même ce qui les occupe. 

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déterminer le sens. En attendant qu’il médite, le spectateur est touché au corps. En 
Avignon, Gianni Plazzi, un vieux comédien, a pleuré deux heures à la fin du spectacle. 
Au fond de la scène, peint par Antonello da Messina (1430-1479), le visage du 
Christ, immense. Le voici, tout d’abord avec le père qui ne contrôle plus ses sphincters 
et porte donc une couche culotte, puis avec le fils (l’un et l’autre sans majuscules). Puis 
seul, après que père et fils ont quitté la scène et juste avant qu’un « not » non pas 
illuminé, lui, mais grisé introduise un doute quant au statut du Christ comme berger. 



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Au bas de cette dernière image extraite du spectacle en Avignon, on aperçoit un 
groupe d’enfants qui, renseignement pris (car ils ne figurent pas dans la représentation à 
Paris, après avoir été une première fois écartés par le directeur du théâtre qui accueillit 
la pièce à Madrid), jettent des grenades explosives en jouets au visage du Christ. Selon 
Castellucci, il s’agissait de faire mourir l’image du Christ afin de laisser place à la 
parole2, ou encore d’une « nouvelle et  nécessaire [je souligne] forme de Passion3 ». 
Dans une première scène, le fils tente, en temps réel, et ce plan séquence est 
théâtralement très long, de faire à plusieurs reprises ce qui convient avec les excréments 
de son très vieux père pris de dysenterie (on songe à Fliess, à qui Freud faisait parvenir 
sa « δρεκκologie ») ; en vain : ses excréments se répandent sur la scène aussi blanche et 
propre qu’une clinique, au salon, puis aux pieds de la table, puis sur le lit (sur lequel le 
père, cette fois décidément actif, vide son pot de chambre), et bientôt également dans la 
salle du théâtre, sous la forme d’odeurs pestilentielles dont on ne sait pas si elles sont 
dues à des boules puantes ou bien à des hallucinations olfactives (une petite enquête 
post-spectacle révèle qu’il s’agit de produits chimiques). À un certain moment, le fils 
puis le père ayant définitivement quitté la scène, le visage du Christ, après avoir été 
couvert d’un voile noir, laisse place à un trou, où les spectateurs peuvent se mirer, un 
                                                
 Compte rendu de la rencontre publique avec « Les amis du festival » (18 juillet 2011). 

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peu comme ce dieu tout au fond du temple shinto d’Itsukushima qui, quand on 
l’approche en traversant plusieurs salles, se révèle n’être rien d’autre qu’un miroir. 
De même que pour chacun des personnages de Théorème aimés par le visiteur, 
le fils est amené à renoncer au monde extérieur. Et c’est à quoi, autre point commun 
avec Théorème, le spectateur est lui aussi convié, Castellucci jouant de l’identification 
du spectateur au fils. Castellucci radicalise Pasolini, car ce n’est plus un personnage, un 
dieu garçon, qui ouvre au spectateur le chemin d’une contemporaine spiritualité, d’un 
certain sacré qui ne peut être accueilli par chacun et chez chacun qu’en revisitant le 
christianisme, mais un objet et carrément un objet a : la merde du père. Sa perte 
manifeste l’indignité du père (glissement de l’agnus dei à l’anus dei). Castellucci : 
« Chacun est seul avec la merde, et celle de l’autre devient la nôtre parce qu’elle 
représente un lien avec l’autre4. » Quel lien ? En perdant sa merde, le père perd sa 
substance. Et c’est donc avec cette « perte de soi » que Castellucci questionne l’amour 
d’une façon qui fait s’éveiller un instant Jacques Lacan dans sa tombe : « Je voulais 
comprendre l’amour à la lumière de cette condition de perte. » Voilà l’amour au temps 
de l’objet a. Le voile noir qui couvre le visage du Christ à la fin du spectacle signe le 
retrait de Dieu, comme chez Pasolini et Marion, mais d’un Dieu qui, ici, a été fait regard 
(regard regardant le regard du spectateur, et c’est d’emblée la fin du voyeurisme). 
Castellucci joue de la connivence du regard et de la merde, fait du regard de Dieu un 
regard dont, comme le fils et avec lui, on se détourne, car il est advenu comme merde. 
You are not my sheperd. Le temps du berger est révolu, sa bienveillance était due à un 
regard dégoûtant. Castelluci met chacun en position de ne plus désormais ne pas le 
savoir (ce qui, sinon justifie, du moins dit la raison de la colère « intégriste »). Un pas 
est franchi de Pasolini à Castellucci, du Dieu garçon qui se retire au Dieu merde qui, lui 
aussi, disparaît mais, cette fois, sans se contenter de s’éloigner. Telle est l’actualité du 
visage du Christ, à Paris, fin octobre 2011. 
Je n’ai lu nulle part le rapprochement que je viens de dire entre Pasolini et 
Castellucci. Il ne tient pourtant pas seulement à leur italianité et à la ville de Bologne, si 
importante pour chacun d’eux, car il est plus que suggéré, il est parfaitement indiqué par 
                                                                                                                                          
 Extrait du document distribué au festival d’Avignon. 
 Ibid. 

J. Allouch / Jean Allouch / Sul concetto di volto nel Figlio de Dio 
Castellucci au tout début de son spectacle Inferno5. Viennent au devant de la scène, 
heureusement tenus en laisse chacun par un maître, une dizaine de chiens-loups aboyant 
furieusement. Puis un personnage, qui s’avance seul et déclare, debout : « Je m’appelle 
Romeo Castellucci ». C’est bien lui, le metteur en scène, à cet instant acteur. Il revêt 
alors un costume étrangement épais et que l’on découvre protecteur à l’instant où, 
lâchés, deux chiens féroces se précipitent sur lui pour le mordre furieusement. Ce n’est 
pas du chiqué, ses mains et son visage restent exposés. 

On ne peut pas ne pas songer à la mort de Pasolini, à ce crime sans témoins et 
dont les versions restent divergentes. Ce que l’œil n’a pas vu, le cœur l’ignore. Cette 
fois... on voit, on a peur, on est Castellucci, on est Pasolini. Inferno , même en DVD, est 
une expérience de la perte de soi. 

                                                
 Arte édition a produit un DVD des trois spectacles Inferno, Purgatorio, Paradiso. 


JeanAllouch.com

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