giovedì 19 gennaio 2012

“Une lecture parallèle de la démocratie: Foucault et Rancière” — A chapter from a forthcoming book by Maurizio Lazzarato on Foucault and political subjectivation.


«Le discours révolutionnaire, quand il prend la forme d’une critique de la société existante, joue le rôle de discours parrêsiastique » Michel Foucault
1. Jacques Rancière dans interview donnée à une revue actuellement de centre gauche, affirme que la subjectivation politique « n’a jamais intéressé Foucault, sur le plan théorique en tout cas. Il  s’occupe du pouvoir ». Jugement un peu rapide et désinvolte puisque la subjectivation politique constitue l’aboutissement même de l’œuvre de Foucault. En réalité nous sommes confrontés à deux conceptions radicalement hétérogènes de la subjectivation politique. Contrairement à Ranciere pour qui l’éthique neutralise la politique, la subjectivation politique foucaldienne est indissociable de l’ethos – poieisis (la formation de l’ethos, le rapport à soi). La nécessité de conjuguer la transformation des institutions, des lois et la transformation de soi, des autres et de l’existence, constitue, selon Foucault, le problème même de la politique telle qu’elle se configure à partir de 68. Les deux différents concepts de subjectivation sont l’expression de deux projets politiques passablement hétérogènes  comme on peut aisément le constater en comparant  la lecture du fonctionnement de  la démocratie grecque que ces auteurs proposent.
Les deux approches comportent des différences remarquables non seulement quant à la conception de la politique, mais aussi du langage et de l’énonciation. Pour Rancière, la démocratie grecque a définitivement démontré que la politique a pour principe exclusif l’égalité  et que l’égalité linguistique (le minimum d’égalité nécessaire à la compréhension des être parlants)  recèle  la vérification du principe de l’égalité politique. La parole,  qu’elle soit de l’ordre du commandement ou du problème, suppose l’entente dans le langage. L’action politique doit majorer et effectuer cette puissance de l’égalité contenue, tant soi peu, dans le langage .
Dans la lecture foucaldienne de cette même démocratie, l’égalité  constitue une condition nécessaire, mais non suffisante de la politique. L’énonciation (le dire vraie-parrêsia) détermine des rapports paradoxaux, puisque le parler–vrai introduit la différence de l’énonciation dans l’égalité de la langue, ce qui implique nécessairement une « différenciation éthique ». L’action politique se fait dans le cadre des « rapports paradoxaux » que l’égalité de langue entretient avec la différence de l’énonciation, l’égalité avec la production de nouvelles formes de subjectivation et de singularité.
2. Le « dire vrai » (la parrêsia)
La démocratie est abordée par Foucault à travers le dire–vrai (la « parrêsia »), c’est-à-dire à travers la prise de parole de celui qui se lève dans l’assemblée et prends le risque d’énoncer la vérité en ce qui concerne les affaires de la cité. Foucault, reprend, comme analyseur de la démocratie, une thématique classique d’un de ses maîtres, Nietzsche, celle de la valeur de la vérité, de la volonté de vérité ou encore « qui » veut le vrai ?
Le rapport entre vérité et sujet n’est plus posé dans les termes de ses travaux sur le pouvoir : à travers quelles pratiques et quels types de discours le pouvoir a essayé de dire la vérité du sujet fou, délinquant, prisonnier ? Comment le pouvoir a-t-il constitué le « sujet  parlant, le sujet travaillant, le sujet vivant » en objet de savoir ? A partir de la fin des années 70, le point de vue s’est déplacé et se formulé en ces termes : quel discours de vérité le sujet est-il « susceptible et capable de dire sur lui-même ».
L’interrogation qui traverse la lecture de la démocratie grecque est orientée par une question typiquement nietzschéenne qui concerne, en réalité, notre actualité : qu’est-ce que « dire vrai » après la mort de Dieu ? Contrairement à Dostoïevski, le problème n’est pas quelle conduite de vie adopter si « tout est permis », mais « si rien n’est vrai » comment vivre ? Si le souci de la vérité consiste dans sa problématisation permanente, quelle « vie », quels pouvoirs,  quels savoirs et quelles pratiques discursives peuvent le supporter ?
La réponse capitaliste à cette question est la constitution d’un « marché aux vies », où chacun peut acheter l’existence qui lui convient. Ce ne sont plus les écoles  philosophiques, comme dans Grèce Antique, ni la religion chrétienne, ni le projet révolutionnaire comme au XIX et XX siècle, qui proposent des modes d’existence, des modèles de subjectivation, mais les entreprises, les médias, l’industrie culturelle, les institution du Welfare State, de l’Assurance chômage.
Dans le capitalisme contemporain le gouvernement des inégalités est strictement couplé à la production et au gouvernement des modes de subjectivation, à de formes de vie . La « police » contemporaine opère à la fois par la division et la distribution des rôles et la répartition des fonctions et l’injonction à des modes de vie : chaque revenu, chaque allocation, chaque salaire renvoie à un « éthos » qui prescrit et implique des conduites, c’est-à-dire à une manière de faire et de dire. Le néo – libéralisme est à la fois le rétablissement d’une hiérarchie fondée  sur l’argent, sur le mérite, sur l’héritage et une véritable « foire aux vies » où les entreprises et l’Etat, en remplaçant le maître ou le confesseur, prescrivent comment se conduire (comme manger, comment habiter, comment s’habiller, comment aimer, comment parler, etc.).
Le capitalisme contemporain, ses entreprises et ses institutions prescrivent un souci de soi et un travail sur soi à la fois physique et psychique, un « bien vivre », une esthétique de l’existence qui semble dessiner les nouvelles frontières de l’assujettissement capitaliste et de la valorisation économique qui  marquent un appauvrissement sans précédents de la subjectivité.
Pour problématiser ces questions, les derniers cours de Foucault constituent un outil irremplaçable. Le déploiement de l’analyse requiert  tout d’abord de ne pas isoler l’acte politique en tant que tel comme le fait Rancière, puisque, selon Foucault, on risque de rater la spécificité du pouvoir capitaliste qui agence politique et éthique, division inégalitaire de la société, production de modèles d’existences et pratiques discursives. Foucault nous invite à tenir ensemble l’analyse des formes de subjectivation,  l’analyse des pratiques discursives et des « techniques et des procédures par lesquelles on entreprend de conduire la conduite des autres ». Pour le dire de façon synthétique : sujet, pouvoir et savoir doivent être pensés à la fois dans leur irréductibilité et dans leur nécessaire relation.  La parrêsia en dérivant du mode de subjectivation politique où elle est nait, vers la sphère de l’éthique personnelle et de la constitution du sujet moral, nous offre la possibilité de penser les relations complexes entre ces « trois éléments distincts, qui ne se réduisent pas les uns aux autres (…) mais dont les rapports sont constitutifs les uns des autres » (...)
Lebensformen is a Berlin-based research group to discuss the contemporary 'intellectual siege' around the notion of life across the fields of philosophy, politics, economy and art.

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